Oct. 11th, 2009

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Astra Arms reborn in Switzerland:

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Looks fair and balanced, as witness the likenesses of Barack Obama and Ann Coulter.
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Les feuilles mortes
paroles : Jacques Prévert ; musique : Joseph Kosma

Oh! je voudrais tant que tu te souviennes
des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là la vie était plus belle
et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle…
Tu vois je n’ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
les souvenirs et les regrets aussi
et le vent du nord les emporte
dans la nuit froide de l’oubli
Tu vois je n’ai pas oublié
la chanson que tu me chantais

C’est une chanson qui nous ressemble
Toi tu m’aimais
et je t’aimais
Et nous vivions tous deux ensemble
toi qui m’aimais
et que j’aimais
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment
tout doucement
sans faire de bruit
et la mer efface sur le sable
les pas des amants désunis
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
les souvenirs et les regrets aussi
Mais mon amour silencieux et fidèle
sourit toujours et remercie la vie
Je t’aimais tant tu étais si jolie
Comment veux-tu que je t’oublie
En ce temps-là la vie était plus belle
et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui
Tu étais ma plus douce amie…
Mais je n’ai que faire des regrets
Et la chanson que tu chantais
toujours toujours je l’entendrai

C’est une chanson qui nous ressemble
Toi tu m’aimais
et je t’aimais
Et nous vivions tous deux ensemble
toi qui m’aimais
et que j’aimais
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment
tout doucement
sans faire de bruit
et la mer efface sur le sable
les pas des amants désunis.

1950
—Jacques Prévert, Œuvres complètes, tome II, Gallimard, 1996, pp. 785-786


La chanson de Prévert
paroles et musique : Serge Gainsbourg

Oh je voudrais tant que tu te souviennes
Cette chanson était la tienne
C’était ta préférée
Je crois
Qu’elle est de Prévert et
Kosma

Avec d’autres bien sûr je m’abandonne
Mais leur chanson est monotone
Et peu à peu je m’in-
Diffère
À cela il n’est rien
À faire

Peut on jamais savoir par où commence
Et quand finit l’indifférence
Passe l’automne vienne
L’hiver
Et que la chanson de
Prévert

Cette chanson LES FEUILLES MORTES
S’efface de mon souvenir
Et ce jour-là
Mes amours mortes
En auront fini de mourir

1958
—Serge Gainsbourg, Mon propre rôle I, Denoël, 1987, 1991, pp. 56-57






Gréco avait chanté « Les feuilles mortes » ; Gainsbourg compose « La chanson de Prévert ». Il a l’intention de frapper un grand coup, mais se fait tout petit quand il s’agit d’aller demander à Jacques Prévert l’autorisation d’utiliser son nom.
    GAINSBOURG : « Il m’avait reçu chez lui. À dix heures du matin, il attaquait au champagne. Il m’a dit : “Mais c’est très bien mon p’tit gars !” et timidement je lui ai tendu un papier qu’il m’a signé. »
—Gilles Verlant, Gainsbourg, Editions Albin Michel, 1992, p. 55

Jacques Prévert est un con
Jacques Prévert est quelqu’un dont on apprend des poèmes à l’ecole. Il en ressort qu’il aimait les fleurs, les oiseaux, les quartiers du vieux Paris, etc. L’amour lui paraissait s’épanouir dans une ambiance de liberté ; plus généralement, il était plutôt pour la liberté. Il portait une casquette et fumait des Gauloises ; on le confond parfois avec Jean Gabin ; d’ailleurs c’est lui qui a écrit le scénario de Quai des brumes, des Portes de la nuit, etc. Il a aussi écrit le scénario des Enfants du paradis, considéré comme son chef d’œuvre. Tout cela fait beaucoup de bonnes raisons pour détester Jacques Prévert ; surtout si on lit les scénarios jamais tournes qu’Antonin Artaud écrivait à la même époque. Il est affligeant de constater que ce répugnant réalisme poétique, dont Prévert fut l’artisan principal, continue à faire des ravages, et qu’on pense faire un compliment à Leos Carax en l’y rattachant (de la même manière Rohmer serait sans doute un nouveau Guitry, etc.) Le cinéma français ne s’est en fait jamais relève de l’avènement du parlant ; il finira par en crever, et ce n’est pas plus mal.
    Après-guerre, à peu près à la même époque que Jean-Paul Sartre, Jacques Prévert a eu un succès énorme ; on est malgré soi frappé par l’optimisme de cette génération. Aujourd’hui, le penseur le plus influent, ce serait plutôt Cioran. À l’époque on écoutait Vian, BrassensAmoureux qui se bécotent sur les bancs publics, baby-boom, construction massive de HLM pour loger tout ce monde-là. Beaucoup d’optimisme, de foi en l’avenir, et un peu de connerie. À l’évidence, nous sommes devenus beaucoup plus intelligents.
    Avec les intellectuels, Prévert a eu moins de chance. Ses poèmes regorgent pourtant de ces jeux de mots stupides qui plaisent tellement chez Bobby Lapointe ; mais il est vrai que la chanson est comme on dit un genre mineur, et que l’intellectuel, lui aussi, doit se détendre. Quand on aborde le texte écrit, son vrai gagne-pain, il devient impitoyable. Et le « travail du texte », chez Prévert, reste embryonnaire : il écrit avec limpidité et un vrai naturel, parfois même avec émotion ; il ne s’intéresse ni à l’écriture, ni à l’impossibilité d’écrire ; sa grande source d’inspiration, ce serait plutôt la vie. Il a donc, pour l’essentiel, échappe aux thèses de troisième cycle. Aujourd’hui cependant il rentre à la Pléiade, ce qui constitue une seconde mort. Son œuvre est la, complète et figée. C’est une excellente occasion de s’interroger: pourquoi la poésie de Jacques Prévert est-elle si médiocre, à tel point qu’on éprouve parfois une sorte de honte à la lire? L’explication classique (parce que son écriture « manque de rigueur ») est tout à fait fausse ; à travers ses jeux de mots, son rythme léger et limpide, Prévert exprime en réalité parfaitement sa conception du monde. La forme est cohérente avec le fond, ce qui est bien le maximum qu’on puisse exiger d’une forme. D’ailleurs quand un poète s’immerge à ce point dans la vie, dans la vie réelle de son époque, ce serait lui faire injure que de le juger suivant des critères purement stylistiques. Si Prévert écrit, c’est qu’il a quelque chose à dire ; c’est tout à son honneur. Malheureusement, ce qu’il a à dire est d’une stupidité sans bornes ; on en a parfois la nausée. Il y a de jolies filles nues, des bourgeois qui saignent comme des cochons quand on les égorge. Les enfants sont d’une immoralité sympathique, les voyous sont séduisants et virils, les jolies filles nues donnent leur corps aux voyous ; les bourgeois sont vieux, obèses, impuissants, décores de légion d’honneur et leurs femmes sont frigides ; les curés sont de répugnantes vieilles chenilles qui ont inventé le péché pour nous empêcher de vivre. On connaît tout cela ; on peut préférer Baudelaire. Ou même Karl Marx, qui, au moins, ne se trompe pas de cible lorsqu’il écrit que « le triomphe de la bourgeoisie a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, d l’enthousiasme chevaleresque et de la sentimentalité quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste ». (La lutte des classes en France. [Mais non, il s’agit plutôt du Manifeste du parti communiste. —MZ]) L’intelligence n’aide en rien à écrire de bons poèmes ; elle peut cependant éviter d’en écrire de mauvais. Si Jacques Prévert est un mauvais poète c’est avant tout parce que sa vision du monde est plate, superficielle et fausse. Elle était déjà fausse de son temps ; aujourd’hui sa nullité apparaît avec éclat, à tel point que l’œuvre entière semble le développement d’un gigantesque cliché. Sur le plan philosophique et politique, Jacques Prévert est avant tout un libertaire ; c’est-à-dire, fondamentalement, un imbécile.
    Les « eaux glacées du calcul égoïste », nous y barbotons maintenant depuis notre plus tendre enfance. Or peut s’en accommoder, essayer d’y survivre ; on peut aussi se laisser couler. Mais ce qu’il est impossible d’imaginer, c’est que la libération des puissances du désir soit à elle seule susceptible d’amener un réchauffement. L’anecdote veut que ce soit Robespierre qui ait insisté pour ajouter le mot « fraternité » à la devise de la République ; nous sommes aujourd’hui en mesure d’apprécier pleinement cette anecdote. Prévert se voyait certainement comme un partisan de la fraternité ; mais Robespierre n’était pas, loin de là, un adversaire de la vertu.
Michel Houellebecq, “Jacques Prévert est un con” in Interventions, Flammarion, 1998, pp. 9-14
Cet article est paru dans le numéro 22 (juillet 1992) des Lettres françaises.

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